En 1945, le Japon découvre plusieurs milliers de lettres d’adieux, de poèmes, de journaux intimes, rédigés par de jeunes soldats – les kamikazes – la veille du dernier jour de leur vie.
Loin d’être des combattants aguerris, ces kamikazes japonais étaient de jeunes hommes (entre 20 et 25 ans), inexpérimentés, incorporés massivement à l’armée à l’automne 1944. Ce sont parfois des intellectuels, étudiants en littérature ou en droit, qui ont l’habitude des mots. D’où la charge poétique particulière des lettres qu’ils ont laissés.
Puissions-nous mourir
Comme au printemps
Les fleurs de cerisiers
Pures et brillantes.
Yamaguchi Teruo, 22 ans (exemple de poèmes laissés avant le décollage)
Les lettres sont nombreuses, adressées à la famille, aux enfants, aux amis. Les « poèmes pour quitter le monde » sont une tradition aristocratique pratiquée autrefois par les moines et les samouraïs. Les journaux, plus rares, mettent à jour les espoirs et les doutes de jeunes hommes placés devant une issue inimaginable. Leurs premiers lecteurs furent souvent des lectrices : les mères, les épouses à qui l’on restituait, à défaut des corps, les mots laissés par les pilotes.
Guillaume Loiret a découvert cette littérature unique il y a 13 ans, dans un musée dédié aux kamikazes de la petite ville de Chiran au Japon. Plus tard, il en a trouvé des traductions et des analyses, en particulier chez Christian Kessler (Les kamikazes japonais, écrits et paroles) et Pierre Souyri & Constance Sereni (Kamikazes), mises en relief par le remarquable ouvrage de Maurice Pinguet (La mort volontaire au Japon).
« Aujourd’hui est mon dernier jour, le destin de notre patrie dépend de cette bataille décisive dans les mers du Sud où je vais tomber. » Isao Matsuo
Si leurs formules sont parfois stéréotypées – recours récurrent à la métaphore de la fleur de cerisier qui tombe de la branche avant d’avoir fané – la poésie partout s’y fait jour. Tantôt triviale, lyrique, mélancolique, elle déborde des missives. Elle donne naissance à des objets bouleversants.
Pour aller plus loin sur le sujet et écouter une émission de radio spéciale (57 minutes) : Source
