A propos de Soumission de Michel Houellebecq… De la littérature pensée comme du sous-journalisme.
Par CLAUDE MARION :
– Je viens de finir ce roman et, comme à chaque fois avec Michel, je me demande ensuite pourquoi je l’ai acheté. « La littérature comme commentaire sur l’actualité », je pense que c’est ainsi que l’on devrait titrer une thèse de doctorat sur ce gars, ou bien « La littérature comme sous-journalisme ».
Passons sur le style, il n’y en a pas – et puis d’ailleurs ça ne sert à rien. Le style en littérature, comme le vers en Poésie, c’est un truc de bourgeois déclassé du dix-neuvième siècle. Ayant fait des études de Lettres, je dois admettre que je n’ai dans ma vie rencontré que deux types qui pouvaient lire correctement Les Fleurs du mal. Michel, lui, a trouvé la formule magique du roman contemporain : un truc d’actualité (la montée de l’islam, ok), un truc pour faire Télérama (du cul sans poésie, des escorts tristes…), un alibi littéraire sans quoi le roman s’effondrerait (le héros est un spécialiste de Huysmans). Secouez tout ça, et rajoutez là-dedans un panel de points de vues attendus sur le sujet principal (l’islam) exposé dans des dialogues beaucoup trop didactiques pour faire « école réaliste », et vous obtenez un roman raté à la Houellebecq, qui est en fait sur le fond, un essai raté, avant d’être, sur la forme, un roman raté. Pourquoi un essai raté ? Mais parce que Houellebecq n’a aucune opinion sur son sujet principal. Les opinions soutenues par ses personnages sont des opinions types dénichées sur internet. Fidèle à la méthode de documentation chère à Zola, mais cette fois sur le marché des idées, les romans de Michel sont d’immenses copiés-collés d’opinions instables. Chaque personnage porte une opinion, délayée dans un dialogue artificiel qui a tout l’aplomb et la grâce syntaxique d’un article de Libé. Nos personnages se succèdent et se croisent, et notre héros n’en pense pas grand chose.
Pourquoi un roman raté ? Parce qu’une succession d’opinions amenées sous la forme de dialogues ne font pas un roman, il faut bien amener quelques artifices narratifs. On a ici le droit à une sortie pittoresque en dehors de Paris à la façon d’un road movie, comme ça, au milieu du roman, puis on retombe dans le plat des dialogues de journalistes. Le livre peut enfin se conclure. Un point positif tout de même dans toute cette merde prête à caresser le bobo inculte dans le sens inverse du poil : la thèse du livre. Bon, là encore, rien d’original, mais quand même… Eh bien ! Pour ma part, j’avais affirmé dans une interview que « Celui qui ne croyait en rien était prêt à accepter n’importe quoi », j’avais sans le savoir synthétisé en un aphorisme le roman de Michel sur l’islam. Les français déracinés, déboussolés, sans repères culturels, acceptent sans broncher l’invasion musulmane. Le français est devenu une coquille vide que l’on peut remplir de n’importe quel substrat culturel. Il n’y a plus de force de résistance si ce n’est quelques identitaires marginaux.
Voilà un extrait parlant de Soumission : « L’arrivée massive de populations immigrées empreintes d’une culture traditionnelle encore marquée par les hiérarchies naturelles, la soumission de la femme et le respect dû aux anciens, constituait une chance historique pour le réarmement moral et familial de l’Europe.» Bien sûr, tout ça se veut provocateur ! Et tout ça tombe à plat. Tout simplement parce que Michel croit qu’il est provocateur lorsqu’il choque une chienne de garde ou un mélenchoniste. C’est un tiède et c’est à cela qu’il doit son succès. Sur l’islam, ce livre est une vraie blague. Je ne suis même pas certain que Michel ait lu le Coran. Ma théorie est que Michel est comme son héros un lâche déraciné sans conviction, et, qu’a contrario, pour être dans le vrai, un Français authentique se doit de traiter l’Islam seulement sur le ton virulent du Pamphlet. Mais peut-être aussi que la véritable littérature se doit d’être autre chose qu’un commentaire romancé sur l’actualité journalistique…
Claude MARION,
auteur du livre “En Marge”, disponible ici.