Les Espagnols se sont rendus aux urnes pour la quatrième fois en quatre ans, mais il en ressort un panorama politique encore plus confus dans un contexte de participation en baisse. Le blocage politique qui paralyse le pays depuis sept mois va donc se prolonger.
Le Premier ministre socialiste, Pedro Sanchez, n’a pas réussi son pari de renforcer son nombre de sièges au Parlement. Il arrive en tête, mais après le dépouillement de 95 % des bulletins hier vers 23 heures, il stagne par rapport à son score d’avril (120 députés contre 123). Les socialistes s’éloignent encore plus de la majorité absolue. S’ils veulent conserver le pouvoir, ils devront faire alliance avec Podemos (gauche radicale) et les nationalistes basques et catalans. Or, c’est justement l’incapacité de ces formations à s’entendre qui a conduit à cette répétition électorale.
A droite, le Parti populaire progresse (88 sièges contre 66), mais pas suffisamment pour espérer prendre le pouvoir. C’est en réalité à l’extrême droite qu’on faisait la fête dimanche soir. Vox fait plus que doubler son score (52 élus contre 24) et devient la troisième force politique espagnole.
Inconnu du grand public il y a encore un an, le parti nationaliste de Santiago Abascal a surfé sur la crise catalane plus que sur la crise migratoire. « Les indépendantistes veulent nous arracher un bras, une partie de ce qui nous appartient », s’indignait Maria José, retraitée, à la sortie d’un bureau de vote de Madrid. « J’ai voté Vox pour qu’ils remettent un peu d’ordre en Catalogne ! »
Les émeutes et les violences qui ont eu lieu à Barcelone après les récentes condamnations de neuf dirigeants indépendantistes ont monopolisé les débats électoraux. Toute la campagne a tourné autour de la crise catalane. « C’est un vote de protestation », précise le politologue Gabriel Colomé. « Ce sont des gens qui ne sont pas d’extrême droite, mais ils votent Vox pour montrer qu’ils en ont marre du système. Barcelone a brûlé pendant 5 jours, Vox en a profité. C’est la Catalogne qui leur donne des voix, pas l’immigration. »
Manuel, ancien électeur socialiste est lui aussi passé à l’extrême droite « pour cette histoire de Franco ». La récente exhumation de l’ancien dictateur, dont les restes ont été transférés de son grandiose mausolée vers un cimetière plus discret, l’a exaspéré. « Ils ont dépensé de l’argent pour rien! A quoi ça sert de déplacer la tombe d’un mort? » Pour l’Espagne, cette percée de Vox est un vrai tremblement de terre. « Ça me panique », confie Sara, étudiante qui a voté à gauche. « Je suis de cette génération qui n’a jamais connu le franquisme. Je ne pensais pas que cela pouvait revenir! »…