Les Micro-nations : Principauté de Sealand, histoire du plus petit pays du monde, en pleine mer du Nord

Perdue en pleine mer du Nord, au large de l’Angleterre, se trouve la plus petite nation du monde (550 mètres carrés habitables). La principauté de Sealand, ancienne plateforme militaire, est l’œuvre d’un seul homme, qui toute sa vie durant, a défendu de toutes ses forces ce royaume qu’il avait auto-proclamé et qu’il a aujourd’hui laissé à ses héritiers.

25 décembre 1966. Ce jour-là, Roy Bates se sentait habité par l’esprit de Christophe Colomb. Il posait les pieds sur une terre inhabitée, hostile et battue par les flots, et allait en faire son royaume. Pourtant, ce nouveau monde n’était pas beaucoup plus grand qu’un terrain de football, rouillait de toutes parts, et se situait à seulement dix petits kilomètres des côtes britanniques. Peu importe pour ce grand aventurier qui décréta que cette île de ferrailles et de boulons deviendrait la principauté de Sealand, la plus petite nation du monde.

Le paradis ou une simple blague ?

À l’origine, ce minuscule « pays » se nommait Fort Roughs. Construit par l’armée britannique pendant la Seconde Guerre mondiale, il était alors occupé par plusieurs centaines de soldats appartenant à la Marine Royale. À la fin du conflit, tous avaient quitté les lieux, les laissant à l’abandon.

Cette plateforme a la particularité de se situer à dix kilomètres des côtes de Suffolk, baignant donc dans les eaux internationales. Cette terra nullus ne dépend d’aucune nation et d’aucune législation.

Quelques années plus tard, c’est un ancien major de la Royal Navy qui redécouvre Fort Roughs. Roy Bates fuit alors Londres, après que sa radio pirate ait été démantelée par les autorités, et voit en ce petit territoire le bastion idéal pour continuer à émettre. Il s’y installe avec femme et enfant, auto-proclamant l’ancienne base militaire comme une nation indépendante. La principauté de Sealand est née.

Histoire tourmentée du Sealand

Ce nouveau roi fascine rapidement les Britanniques, au point de faire de l’ombre à Sa Majesté Elisabeth II. Le gouvernement envoie alors une unité pour tenter de l’expulser, mais celle-ci est accueillie par plusieurs coups de fusil et fait demi-tour aussitôt. Si Sealand n’est considérée par personne comme un véritable État, son souverain tente de lui en donner tous les attributs : un drapeau – dessiné par son épouse, la princesse Joan –, des armoiries, un hymne, une monnaie – à l’effigie de la princesse Joan –, et des passeports, accordés par le couple royal aux trois autres habitants de l’île. En 1975, une Constitution est même rédigée par le professeur Alexander G. Achenbach, tout juste nommé Premier ministre.

Par la suite, ce vieil ami de la famille s’avérera être un infâme traître régicide. Épaulé par une bande de malfrats germaniques, le professeur organise un coup d’État et retient en otage Michael Bates, le prince héritier, avant de le libérer quelques jours plus tard aux Pays-Bas. Avec l’aide de forces armées, les Bates reprennent leur forteresse et capturent, à leur tour, leurs anciens bourreaux. « Descendre d’un hélicoptère, suspendu à une corde, 30 mètres au-dessus de la mer et faire face à des terroristes : je n’ai plus jamais ressenti une telle montée d’adrénaline », confia Roy Bates dans The History of Sealand. L’affaire, délicieusement rocambolesque, s’invite sur la scène internationale. L’Allemagne conjure le Royaume-Uni d’intervenir pour libérer les prisonniers de guerre. Après nombre de négociations, le professeur Achenbach est relâché. Cet événement fera figure de première acte diplomatique de la principauté de Sealand.

Deuxième bouleversement en 1987 : l’Angleterre étend ses eaux territoriales à douze miles, rattachant ainsi le royaume de Bates au comté d’Essex. Mais le gouvernement abandonne rapidement l’idée de reprendre Sealand, la laissant à la fantaisie du patriarche, Roy Bates. En 1999, celui-ci décide d’abdiquer en faveur de son fils, Michael, et se retire sur le continent où il mourra treize ans plus tard.

Après le père, un fils qui veut vendre le pays…

Accablé par un tel héritage, le nouveau prince cherche à se débarrasser de Sealand. En 2007, le média Libération rapporte que le plus petit pays du monde est à vendre pour dix millions de livres (soit le mètre carré à plus de 27 000 euros). Dans les pages du quotidien français, le propriétaire vante les mérites de ce bien « avec vue infinie et imprenable sur la mer, garantie d’une tranquillité totale et absence d’impôts. » L’offre aurait intéressé quelques pirates du web. Quatre étudiants du Massachussetts Institute of Technology, experts en cryptographie, auraient aimé y héberger leurs serveurs. Tout comme le site de téléchargement illégal The Pirate Bay qui aurait voulu s’y implanter. Mais l’affaire n’a jamais été conclue avec Michael Bates, qui n’était finalement pas prêt à laisser son royaume aux premiers venus.

Depuis ces transactions ratées, l’histoire de Sealand semble s’être arrêtée. On en parle aujourd’hui comme d’une anomalie. Son nom ne se retrouve plus que dans ces classements où l’on apprend que, non, le Vatican n’est pas le plus petit État du monde. Il s’agit bien de Sealand, un royaume presque irréel, qui n’a pour seuls voisins que l’écume et les flots.

L’histoire du Sealand en bref, et en vidéo :

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