On peut très bien se former en philosophie en commençant tout naturellement par les Grecs, puis en passant par les Latins, les scolastiques, pour finir petit à petit par se hisser jusqu’aux méandres les plus obscurs de la phénoménologie moderne… ou bien on peut aussi, comme Maupassant, Proust, Nietzsche et Wagner, tomber d’entrée sur Schopenhauer et s’y découvrir déjà philosophe.
Remarquablement écrit, très facile d’accès, Le monde comme volonté et comme représentation est une vision complète et unique de l’existence ; vision si fascinante qu’elle participa à enfanter l’esprit de ces êtres supérieurs que j’ai cités, et bien d’autres.
Pour Schopenhauer, le monde est absurde, n’est que souffrance, et nous pouvons sortir de ce cercle par la représentation, c’est à dire essentiellement par l’Art, la contemplation esthétique. Cette vision avait en effet de quoi plaire à beaucoup d’artistes un brin élitistes du dix-neuvième siècle ; elle apparaissait comme la grande consolatrice des âmes d’élite. Elle vous initie au passage avec la philosophie kantienne (en la simplifiant grandement, ce qui n’est pas un luxe), mais aussi avec Platon, les stoïciens, l’hindouisme… tout en s’ornant ludiquement de citations, tant d’auteurs dramatiques antiques que d’auteurs romantiques. Ça se lit avec un grand plaisir…
Et si, entre nous, vous désirez un jour lire et comprendre la philosophie de Nietzsche, vous devrez passer par celle de Schopenhauer, car celui-ci est le maître qu’il s’est le plus acharné à réfuter. Et le plus terrible avec cette œuvre maîtresse de la philosophie qu’est Le monde comme volonté et comme représentation, c’est qu’elle est la production d’un jeune homme à peine trentenaire ! Un jeune homme si persuadé de la justesse de sa vision qu’il passera sa vie à la justifier ultérieurement.
Claude Marion,
Auteur du spectaculaire roman “En Marge !“